#50 - Portrait d'Alumni - Marie-Sylvie Serieys
Pour notre 50ième portrait métier, nous sommes heureux de vous présenter le portrait métier d'une légende de l' ISIT, Marie-Sylvie Serieys, Alumni 1970 et pilier de l'administration de l'école.
Comment avez-vous découvert l’ISIT ?
La première fois que j’ai entendu parler de l’école, j’étais en terminale. A cette époque (1966), il n’y avait pas encore de forums des carrières dans les lycées, mais dans le mien, de temps à autre, une ancienne venait présenter aux terminales son parcours. Le programme m’a plu, et j’ai intégré l’école dans la section anglais/droit pour une formation qui venait juste de passer en quatre ans.
Nous devions alors, en parallèle des cours de l’ISIT, suivre les cours d’une fac, Lettres ou Droit et en obtenir le diplôme. L’ISIT était situé au 2° étage de la Catho, côté gauche en entrant par la porte du 21 rue d’Assas, la fac des Lettres au 1° étage, et celle de Droit au rez-de chaussée. Le BDE était au sous-sol, et les labos de langues, cabines d’interprétation et bibliothèque tout en haut sous les combles. Nous étions donc 100% au 21 . Il n’y avait alors qu’un court stage en fin de 3° année, les séjours à l’étranger étaient uniquement destinés à remonter une faiblesse linguistique, mon année a inauguré les « sections professionnelles » : Traduction-terminologie, Affaires internationales, Droit, qui ont été l’amorce de celles que l’école connaît maintenant. J’ai été diplômée en 1970 .
Pourquoi avez-vous choisi de rejoindre l’ISIT ?
Euh, en fait, je n’ai rien choisi du tout !! Il se trouve qu’en 4° année (1969-1970) j’étais présidente du BDE, et cette année a été particulièrement riche pour l’école. Elle est sortie du giron de la Faculté des Lettres pour devenir un établissement autonome lié à la Catho par un protocole d’accord, elle a intégré la section « C » qui regroupait alors les écoles professionnelles (comme l’Essec ou l’ISEP …), a du coup pris son indépendance administrative et financière, et a été habilitée à percevoir la Taxe d’Apprentissage. Tout cela demandait un énorme travail d’organisation et Monsieur Loloum (le fondateur de l’école, qui en était alors le directeur) m’a demandé si je pouvais « à titre provisoire » prendre en main la mise en route de la Taxe d’Apprentissage. Challenge que j’ai accepté … et le provisoire a duré jusqu’en 1975. Sans commentaire…
Quelles fonctions avez-vous occupées ?
En 1975, la Directrice des études a malheureusement subitement cessé son activité en plein mois de mai, alors que les partiels, notes, délibérations, organisation de la rentrée etc….arrivaient à grand pas. Il a fallu plonger pour que l’école finisse au moins l’année universitaire, et j’ai lâché la taxe pour prêter main forte à la personne qui s’occupait du secrétariat des études. Nous avons formé une équipe de choc (d’ailleurs Michèle et moi sommes toujours en lien d’amitié), la rentrée a suivi… et ainsi de suite jusqu’en… juillet 1985. Re-sans commentaire. Et là j’ai quitté l’école, mon mari étant détaché par son entreprise à Francfort où nous avons vécu pendant cinq ans.
Le croirez-vous ?? De retour à Paris pour la rentrée 1990, nous étions en train de vider nos cartons quand Madame de Dax, directrice de l’ISIT, m’a demandé si je pouvais venir « quelques semaines » pour assurer la rentrée au secrétariat des études, Michèle devant subir une intervention. Et s’en sont suivis le secrétariat des stages qui se sont étendus à toutes les années, celui des échanges Erasmus ou non ,devenus obligatoires pour tous, l’organisation de la participation de l’école aux JO comme interprètes ou traducteurs, plus la rue de Pondichéry, les masters avec aussi les soutenances, …Bref, j’ai pris ma retraite en décembre 2012….et suis restée (si !si !) jusqu’en juin 2014 en cumul emploi-retraite pour farfouiller sur les réseaux sociaux (essentiellement LinkedIn) pour essayer de retrouver un maximum d’anciens, la base de données n’ayant pas été suivie depuis plusieurs années. Cela s’appelle un « plan de carrière », non ???? Vous avez le droit de rire….
Qu’est-ce que vous aimiez dans votre métier ?
« Ici, nous ne fabriquons pas des chaussettes, nous formons des passeurs de sens ». Cette expression que j’ai beaucoup entendue à mes débuts, que Monsieur Loloum utilisait volontiers pour expliquer ce qui était attendu des enseignants et des administratifs, m’est restée en mémoire pendant toute ma carrière. « Passeurs de sens » regroupe – à mon avis- la signification profonde de tous vos métiers, encore à l’heure actuelle. Et « formation » exprime bien « prendre à un certain stade » et, par son action, son activité ou son enseignement, mener à un état plus achevé. Et ce que j’ai énormément aimé c’est de contribuer à cette édification, de par ma position d’interface entre les étudiants, les enseignants (parfois pas faciles à gérer, eh oui…) et les autorités de l’école.
Bon, d’accord, il y avait tous les aspects pratico- pratiques et matériels pas enthousiasmants et très chronophages : l’organisation de l’année, les horaires, les relevés, les conventions avec leurs points de droit, la « matérielle » très importante des échanges et des relations avec les facs étrangères , les délais à tenir, s’assurer que tout le monde est bien « dans sa case »etc…..Grâce à l’évolution technologique, j’ai pu sortir de la machine à écrire type Commissaire Maigret, des relevés de notes à la main –au début, il n’y avait pas d’ordinateur- des petits mots punaisés sur les tableaux en liège du couloir pour faire venir tel ou tel - il n’y avait pas de portable… - des horaires établis avec des fiches T sur des claies métalliques - Michèle et moi étions très fortes à ce petit jeu….- des infos échangées par lettres – il n’y avait pas internet - … mais il y a toujours eu les étudiants à accompagner, c’était le cœur et le seul sens de notre activité.
Quelles sont les valeurs que vous portiez en tant que professionnelle ?
Question pas évidente… Je dirais plutôt « que j’ai essayé de porter ». Un certain humanisme, je pense, le désir de « faire grandir » des hommes (et non de fabriquer des chaussettes), de contribuer à les mener au point où ils peuvent être lâchés dans la vie professionnelle, en utilisant une échelle de valeurs disons classique, mon expérience humaine et un sens de l’organisation pas inutile. J’espère n’avoir jamais blessé par mes réflexions parfois ironiques… J’ai essayé de faire en sorte que le bureau partagé avec d’autres ou occupé seule soit un lieu d’échange, de décharge, de progression, aussi positif que possible. Il y a eu dans ces murs énormément de moments souriants, un certain nombre de mises au point plus ou moins fermes même si je préférais la négociation, des drames partagés aussi dont, ce qui m’a beaucoup marquée, les débuts du sida, auquel l’école n’a hélas pas échappé.
En quoi votre métier était-il utile aux autres ?
Les différents secrétariats (des études, des stages, des échanges, des masters), que j’ai partagés avec d’autres ou assumés seule sont indispensables au bon fonctionnement d’une école quelle qu’elle soit. Même avec les progrès d’internet et les outils de communication actuels, le pivot que constituent les secrétariats entre la direction, les enseignants et les étudiants est un axe indispensable au quotidien d’une école. Par ailleurs, l’ISIT a – et c’est normal- beaucoup évolué au fil de toutes ces années, et il fallait adapter les nouveautés de l’école aux nécessités administratives et règlementaires, afin que tout se « remboîte » pour le bien de tous.
Il n’était pas question à mon époque de l’IA, c’est une voie qui sera certainement explorée……et que je redoute un peu : que l’humain ne soit pas oublié.
Quel message voudriez-vous transmettre aux nouvelles générations de l’ISIT ?
Une phrase figure en bonne place sur la page d’accueil de l’école : « L’ISIT, c’est déjà le monde à Paris ! Issues et issus de 40 nationalités, les étudiantes et étudiants ainsi que le corps professoral et administratif étudient, pensent et agissent interculturel au quotidien. »
Le mot « interculturel » est venu tard dans mon vocabulaire professionnel, mais il rejoint parfaitement le « passeurs de sens » du fondateur de l’école. Toutes vos professions, qu’elles soient plus axées sur la traduction, l’interprétation ou la communication au sens très large du terme, feront toujours intervenir celui qui parle, celui qui écrit, celui qui communique, et en face celui qui reçoit la parole, celui qui lit l’écrit, celui qui vit la communication. Et vous entre les deux.
Et même si l’IA s’en mêle, ce qui va arriver, vous aurez toujours à faire se comprendre des personnes qui ont un bagage culturel propre, lequel donne un sens, une couleur à leurs mots, leurs pensées, leurs comportements : ne l’oubliez pas !
Marie-Sylvie SERIEYS
Paris, le 29.04.24